Juke-Box : la musique argentique d’un argentin passionné ! Alejandro Mangiacavalli, restaurateur de juke-box.
En périphérie de Bruxelles, à la Hulpe, Alejandro veille sur ses Juke-Box comme sur des oeuvres d’Art. L’âge d’or de ces vénérables automates musicaux se situe dans les années 50. C’est dire que le matériel prend de l’âge et que les compétences nécessaires à sa restauration sont nombreuses. Merveilles d’électro-mécanique, il faut aussi pouvoir intervenir sur les décorations qui font toute la personnalité des Juke-Box. Sans trahir l’histoire de la machine, à l’instar d’un tableau dont il faudrait raviver les couleurs. Mais le secret d’Alejandro est bien gardé et j’ai mis un petit moment à le cerner. C’est ce qui fait de lui le meilleur spécialiste du Royaume en la matière. Non seulement il restaure les Juke-Box avec grand respect mais de surcroît, il n’a pas son pareil pour les faire sonner. C’est sa passion pour le bon son qui fait toute la différence. Donnez lui un ampli à tubes qui n’a plus chanté depuis 40 ans et en quelques heures vous n’en croirez pas vos oreilles.
Alejandro Mangiacavalli : Je joue de la musique depuis l’âge de 5 ans. En Argentine, mon père était garagiste ce qui m’a familiarisé avec la mécanique. Je suis cependant devenu électronicien par passion pour le son. A 14 ans par exemple, je démontais déjà l’ampli à tubes familial pour comprendre ce qu’il avait dans le ventre. Bref, toutes les compétences nécessaires pour comprendre un Juke-Box étaient réunies, encore fallait-il que la rencontre se fasse. C’est en cherchant une platine sur un site de petites annonces que je suis tombé sur un juke-box à vendre. Je me suis dit « pourquoi pas « ! J’ai sorti ce Juke-Box de la cave d’un café à Anderlecht. Il était dans un état pitoyable et vraiment crasseux. Une fois rentré à la maison, en à peine quinze minutes, je suis parvenu à le remettre en service. Quel son! Wouaw! Quelques mois plus tard il y en avait six dans la maison. Il a fallu prendre des décisions.
LMdO : Et Time Machine est née ?
AM : J’ai vite compris deux choses. La première, c’est qu’il n’y avait pas de concurrence et la seconde, c’est que la demande est forte. De surcroît, ça commençait doucement à se savoir qu’un petit gars mettait les mains dans le cambouis et j’avais de plus en plus de demande pour intervenir sur des machines. Je devais de toute façon réorienter ma carrière professionnelle puisque je venais de me faire licencier. Tout cela tombait très bien. J’ai donc ouvert ma boutique, la fameuse Time Machine. J’ai fait de ma passion ma profession.
LMdO : Qu’est-ce qui te plaît dans les Juke-Box ?
AM : Le son analogique dans toute sa splendeur, en partant du 45 tours et en passant par les amplis à tubes. On n’a jamais rien fait de mieux. C’est d’une chaleur incroyable. Un son qui t’enveloppe de façon extraordinaire même quand il est mono et à priori sans relief. Je suis évidemment aussi très sensible à la beauté de ces objets. Enfin, je te parle de ma période prédilection de 1950 à 1962. Les Juke-Box existaient avant et continuent d’ailleurs d’exister. Mais ce n’est pas pareil. A l’époque des 78 tours par exemple, les meubles étaient beaucoup plus fermés, le regard était sans réelle interaction avec la mécanique. Après les années 60, les transistors ont tout changé. Quant à la numérisation, elle est sans âme et sans grand intérêt. Ces machines là ne m’intéressent pas.
LMdO : De quelle machine rêves-tu ?
AM : Un Chantal Météor … ce sont des Juke-Box suisses fabriqués à 1000 exemplaires. Ils sont très rares et donc très chers. J’en ai croisé quelques-un déjà mais leurs propriétaires refusent de s’en séparer. Ils atteignent le prix d’une belle voiture. Mais je ne désespère pas, un jour sûrement j’en trouverai un. Leur design est incroyable, ce sont des oeuvres d’Art. Ces machines suscitent des émotions, elles parlent aux gens. Un jour, un couple est rentré dans le magasin, ils étaient particulièrement émotionnés de voir un Seeburg identique à celui qui a joué la musique sur laquelle ils ont dansé ensemble la première fois. On pourrait croire que c’est générationnel mais je vous assure que quand je sors un Juke-Box sur la rue les jours de braderie, après 10 minutes, tous les enfants des environs rappliquent pour voir et écouter cette drôle de machine. C’est magnétique.
LMdO : Reparlons restauration. Comment t’y prends-tu ? Jusqu’où ne pas aller trop loin pour conserver l’âme de l’objet ?
AM : Lorsque une machine rentre, je la démonte entièrement. Elles ont toutes besoin d’une révision et d’un nettoyage en profondeur. De surcroît, un collectionneur qui casse sa tirelire pour le modèle de ses rêves doit recevoir une machine qui fonctionne et qui sonne. Je travaille sur l’électro-mécanique, les tubes, l’électronique, les hauts-parleurs, les têtes de lecture, bref sur l’audio. Mais la restauration des chromes, des bakélites, des peintures, plastiques et verres reste fort importante. Et là, il ne faut pas se tromper et il faut surtout s’arrêter à temps. Ne pas oublier que la machine que l’on restaure à 60 ans et qu’à ce titre, des traces de patines et d’usures sont normales. Un Juke-Box qui ressortirait de l’atelier comme neuf n’aurait pas d’âme. Je ne touche jamais par exemple à la patine laissée par les paumes des mains à la gauche et la droite du meuble : là où le client empoignait la machine un peu comme un flipper. Y toucher, ce serait impacter l’histoire de la machine. Pour le reste, on trouve beaucoup de pièces de rechange. C’est le paradoxe de ce métier : une machine fort abîmée sur laquelle on a du beaucoup intervenir à moins de valeur qu’une machine en bon état presque dans son jus.
LMdO : Comment trouves-tu ces vénérables vieilles dames ?
AM : Je cherche en permanence. J’ai mes réseaux bien sûr et puis, il a des gros importateurs de machines venues des Etats-Unis. Les bonnes affaires sont très rares car les gens savent ce qu’ils ont dans les mains. Le berceau américain est incontournable puisque tous les constructeurs ou presque viennent de là.
LMdO : De Chicago ?
AM : Effectivement. On dit que la mafia régnait en maître sur le secteur, au même titre que sur les jeux et les machines à pièces. C’est d’ailleurs intéressant de voir les trésors d’imagination développés autour des monnayeurs. Il fallait savoir combien de disques avaient été joués pour vérifier l’état de la caisse et surtout en récupérer le montant. Les Juke-Box étaient de gros cochons dans lesquels on mettait des pièces.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
2 Comments
Bonjour je possède un Juke box SPS 160 DES ANNES DEBUT 70 il a été arrête depuis au moins 5 ans quand je l’ai remis en service ok et puis le lendemain il disjoncte après contrôle de la prise phase et neutre continuité avec la terre .Pouvez vous me le remettre en état .Cordialement Patrick de Troyes . Mail : patrick477.olivier@laposte.net patrick477.olivier@laposte.net
Bonjour, je ne suis pas le réparateur, je ne suis que l’auteur du blog, adressez vous directement chez Alessandro. Cordialement