Dans les métiers atypiques, j’ai nommé Xavier Anciaux, meneur de chevaux de trait ! A y réfléchir, c’est un petit miracle qui s’opère en région namuroise avec la réintroduction des chevaux lourds dans le travail des champs. C’est qu’ils reviennent de loin nos brabançons et nos ardennais ! Depuis le 18ème siècle et l’avènement de l’industrie, les chevaux de trait ont payé un lourd tribu à notre société moderne. Exploités pour leur puissance et leur force de travail (le cheval reste d’ailleurs la valeur étalon pour mesurer la puissance d’un moteur), on les retrouve aux champs bien sûr, sur les champs de batailles de la première guerre mondiale, sur les chemins de halage à la traction de bateaux, dans les transports hippomobiles et dans le fond des mines. Une force brute exploitée sans ménagement et qui a failli leur être fatale. Avec le développement de la motorisation, les chevaux de trait perdent de leur intérêt au point d’en menacer la pérennité. Étonnamment et aussi choquant que cela puisse paraître, c’est la boucherie chevaline qui va les sauver pour un temps. Les élevages sont destinés à fournir de la viande. Un sort peu enviable mais qui a le mérite de maintenir la race. La maintenir certes mais la modifier aussi : par croisements successifs, les animaux deviennent plus lourds, plus trapus, plus viandeux et donc de moins en moins adaptés. Les pathologies apparaissent avec la transformation des chevaux. Ils se fragilisent.
Reste que les chevaux de trait sont de formidables athlètes, intelligents, travailleurs et qui ont l’avantage immense sur le tracteur de détruire beaucoup moins les terrains qu’ils investissent pour travailler. Leur agilité à passer presque partout fait le reste. Ils sont parfaits pour se faufiler au milieu des rivières, dans les sous-bois et dans les réserves naturelles. Il n’en fallait pas moins pour que Xavier Anciaux s’intéresse de près à ces chevaux de travail pour en faire des chevaux de collaboration sur lesquels le maraîcher veille comme sur un membre de sa famille.
Léon et Bili sont les fiers destriers de notre meneur de chevaux de trait. 750 & 900 kg de puissance animale au service d’une agriculture responsable, celle de l’enfance de Xavier , celle qu’il a néanmoins revisité. Fils de ferme, Xavier a été biberonné à la nature depuis toujours. Solitaire dans l’âme, il découvre la nature avec son âne et son bouquin sur les oiseaux. La centaine d’hectares de l’exploitation familiale lui sert de terrain de jeu et de découvertes. Mais son père décide qu’il sera vendeur dans le zoning tout proche qui vient de sortir de terre, la ferme ayant été reprise par les aînés de la famille. Son diplôme en poche, Xavier y restera vendeur quelques années mais le cœur n’y est pas vraiment. Ce sont les accidents de la vie qui vont amener Xavier a reconsidérer une première fois son avenir professionnel.
Touché au cœur de sa famille par le problème du handicap, il passe quelques années aux destinées de Plain Pied, une ASBL qui fait de l’accessibilité et de la mobilité de la personne handicapée une priorité pour des projets architecturaux en devenir. Si la vocation sociale des projets lui convient bien, le campagnard étouffe dans les atmosphères confinées des salles de réunion et des bureaux. Ce qu’il lui faut, c’est du grand air et le plus vite sera le mieux.
C’est donc en toute logique qu’un soir de 2012 il fait part de sa décision à la famille : acheter un cheval de trait pour travailler la terre. Peu importe la finalité, c’est le cheval qui sera au centre de la démarche. Les activités commerciales viendront dans un second temps. Mais d’abord, il faut apprendre, choisir un cheval, l’éduquer et se faire accepter. On n’achète pas un cheval au box, on l’achète au bois. C’est à Bertrix que Xavier déniche Bili. Cet hongre de 900 kilos achève de le convaincre lorsque Xavier tâte timidement ses premiers travaux de débardage. C’est un succès, le cheval répond bien, Xavier a l’air de savoir y faire dans la conduite des chevaux. L’affaire est donc conclue et l’aventure équestre peut commencer.
L’équation existentielle qui taraudait Xavier allait trouver enfin sa solution : son avenir sera Bio Positif !
Xavier nous en parle : » Biopositif » signifie « plus de vie ». L’essentiel, c’est que notre présence sur terre et nos actions ne nuisent plus à notre milieu de vie. C’est vital mais aujourd’hui nous pouvons peut-être faire mieux : le régénérer. Comment manger en créant plus de vie, comment bâtir en créant plus de vie, comment enseigner en créant plus de vie… ? Cette question peut inspirer notre mode de vie, notre métier, nos relations… et concerne l’ensemble du vivant sur terre, humain et non humain. J’amène ma modeste contribution aux problèmes environnementaux par un retour à l’agriculture responsable.
Les Jardins d’OO, c’est un site cultivé d’autocueillette maraîcher où les clients viennent se servir directement dans le champ et placent l’argent dans une urne placée au bord du terrain. Ils sont guidés en cela par des écriteaux qui les renseignent sur la disponibilité des plantes et leur prix. Dans l’ensemble tout se passe pour le mieux et tout au long de l’année, les visiteurs viennent s’approvisionner dans un circuit court exemplaire qui propose une cinquantaine de variétés. Pour Xavier c’était avant tout une expérience. Elle ne devait pas forcément déboucher sur une activité rentable mais plutôt constituer une expérience sociale avec un accord tacite avec les clients potentiels.
Les Jardins d’OO, Xavier nous en parle : les Jardins d’OO (Organisation Organique, c’est l’organisation de la Nature basée sur la symbiose et la coopération) sont une expérience grandeur nature du développement d’un système basé sur la collaboration, la confiance, la créativité et surtout sur la régénération de la biosphère. Les 50 ares de terres cultivées sont une petite partie de notre planète ou j’essaie de redonner à la Vie sa place. Cette vie est microbienne, mais aussi visible à l’œil nu avec les vers de terre, les insectes, les oiseaux…
Le sol est un être vivant, qui nous donne des légumes vivants nécessaires pour nous maintenir en santé et nous donner de la joie de vivre. Les 300 mangeurs des Jardins d’OO font partie du cycle naturel de la terre. Sans eux le cycle ne pourrait pas se faire. L’autocueillette facilite le processus et sensibilise le mangeur ! La productivité dépasse de plusieurs dizaines de fois la production d’une terre céréalière travaillée avec de la pétrochimie. Nous croyons en une agriculture bio, environnementale et sociale.
Le cheval est un moyen de respecter la terre. Il y en a d’autres. Je l’ai choisi pour le simple bonheur de travailler quotidiennement avec un animal mais aussi pour sa polyvalence et les possibilités d’autres activités à développer en hiver : arrachage de plantes invasives, attelage, débardage en zone Natura 2000 …
Xavier Anciaux - Les Jardins d'OO : le Site Web
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
4 Comments
Passe dans mon top 5 de tes reportages qui me parlent le plus. Magnifique Patrice.
Merci Sylvia
Bonjour, je suis la compagne de Xavier Anciaux 😉 Est-il possible d’avoir cette image de BiLi qui pose sa tête sur la sienne ?
Je voudrais en faire un grand tirage pour le lui offrir 🙂
Merci, Sylvie
N’hésitez pas à me contacter sur mon mail, merci
patrice@niset.be