Guy Deminne : garnisseur matelasseur …
Garnisseur matelasseur de métier depuis une trentaine d’années, Guy Deminne perpétue la tradition du fauteuil et du siège à l’ancienne. Crin de cheval, laine vierge, tissus précieux, clous de tapissiers, les gestes sont précis et emprunts de respect pour le plus grand confort de nos fessiers. Avec le renouveau de la filière laine en Belgique, Guy a pu reprendre une activité en déclin jusque il y a peu : les matelas purs laine à l’ancienne.
LMdO : Garnisseur, ce n’est pas forcément un métier rare. Qu’est-ce qui fait votre particularité ?
Guy Deminne : Effectivement, la profession compte encore beaucoup de gens actifs dans la réhabilitation de sièges. Toute la question est de savoir quelles techniques sont mises en oeuvre pour exercer le métier de garnisseur matelasseur. Comme dans toutes les professions de restauration, nous devons nous efforcer de respecter l’objet qui nous est confié et surtout veiller au respect du travail de nos prédécesseurs.
Malheureusement, dans bien des cas, il faut commencer par revenir aux fondamentaux : les gestes posés à l’origine de la création du siège et qui ont souvent été dégradés par des restaurations hasardeuses. Ensuite seulement, je peux repartir sur des bases saines et redonner vie aux objets qui me sont confiés. Dans les grandes lignes, le but est toujours atteignable même si les matériaux dont le professionnel dispose se raréfient et se fragilisent. J’ai par exemple du renoncer aux cordages de chanvre dont la qualité a tellement baissé que le fil casse sans cesse. Je suis passé au nylon en attendant peut-être un jour de retrouver de bonnes cordes à l’ancienne. Les toiles sont aussi de moins bonne qualité de nos jours. Il faut chercher toujours plus loin pour trouver ce dont nous avons besoin. Néanmoins, malgré ces contraintes, je reste intransigeant sur la qualité des matériaux qui entrent dans mes restaurations. Le travail est fait dans les règles de l’art. Les sièges contemporains font appel massivement à la mousse synthétique, facile à mettre en forme et peu coûteuse. Je ne l’utilise que quand j’y suis contraint. Mes gestes sont emprunts de tradition, que ce soit pour une banquette d’ancêtre automobile, pour un siège Empire ou encore une banc de massage pour kinésithérapeute.
LMdO : Votre activité de matelasseur par contre est, elle, beaucoup plus rare …
GD : Je pense en effet que le Royaume ne doit plus compter qu’une poignée d’artisans capables de battre les matelas à l’ancienne et, le cas échéant, à en fabriquer des neufs.
LMdO : Quels avantages tirer de ces matelas « hors circuit »?
GD : J’ai deux types de clientèle pour les matelas. Les personnes plus âgées qui possèdent toujours ce type de matelas et qui me demandent de les battre environ une fois tous les 10 ans. Les jeunes viennent au matelas en laine, généralement après avoir tout essayé pour lutter contre le mal du siècle, les allergies. Quand je bats un matelas, je le déshabille complètement, la laine est cardée (planche à clous rotative qui aère la laine NDLR), dépoussiérée. Je fais un éventuel appoint si la matière manque et ensuite, généralement, je remets une toile neuve. La literie est ainsi complètement remise à neuf, prête pour dix années de bons et loyaux services. J’ai besoin d’une journée pour l’opération. Enlevé la matin chez le client, livré remis à neuf le soir, prêt à dormir !
LMdO : Matelasseur est un métier qui a failli disparaître ?
GD : Je fabriquais des sommier à l’ancienne à base de ressorts et de laine. Cette demande là a totalement disparu. Je pensais que les matelas allaient aussi suivre le même sort mais le renouveau de la filière laine en Belgique m’amène des clients. Les laines de nos moutons peuvent maintenant être traitées sur le territoire et réintroduites dans les circuits de transformation pour les artisans, qu’ils soient tisserands, garnisseurs ou matelasseurs. Je n’ai donc plus aucune difficulté à trouver de la laine de qualité. C’est un circuit court qui fait la part belle l’économie de proximité. Santé et écologie sont deux arguments qui peuvent faire la différence. Le matelas synthétique industriel n’est pas menacé mais nous nous défendons plutôt bien. Il y a par contre bien longtemps que je n’ai plus placé de tentures murales matelassées. Ces ornements en tissu capitonnés étaient pourtant fort à la mode à une époque.
LMdO : Quelles qualités faut-il pour exercer votre métier de garnisseur matelassier ?
GD : Rigueur, méthode et patience … l’expérience est irremplaçable comme souvent. Malheureusement, si le métier de garnisseur est toujours enseigné, l’activité de matelasseur ne l’est plus depuis des dizaines d’années. J’ai du l’apprendre par moi même avec mon ancien patron. Il faudrait donc qu’un jour je pense à former quelqu’un.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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