Préambule …
Le premier produit s’apparentant au savon est apparu dès l’Antiquité. Il était composé d’un mélange de cendres, de graisses, de plantes, d’argile à goudron et de détergents minéraux. Ce produit ressemblait plus à une lessive qu’à notre savon. Il a donc beaucoup évolué au fur et à mesures des siècles.

Marius Fabre : fier d’être savonnier !
La saponification quant à elle remonte à 1000 ans avant notre ère. Déjà à l’époque l’huile d’olive et la soude végétale sont les éléments de base de processus de fabrication utilisé par le savonnier. La saponification, c’est la réaction chimique qui permet la synthèse du savon. Que reste t’il de cette technique de nos jours face à la déferlante industrielle des grands groupes ? Pour s’en faire une idée, LMdO a rencontré des savonniers professionnels. Les incontournables maisons de Marseille (Marius Fabre et le Sérail) et une maison bruxelloise qui travaille à façon (Les Savonneries Bruxelloises).
Le Sérail : Marseille
A tout seigneur, tout honneur, les savons de Marseille restent une valeur sure pour qui sait les repérer dans la jungle des produits qui se revendiquent faussement de Marseille. C’est que déjà en 1688 la recette du savon de Marseille est fixée dans un édit signé de la main du Roi. Le savon sera produit dans de grands chaudrons et seulement avec des huiles d’olive pures. La graisse animale est interdite sous peine de voir le savonnier immédiatement chassé de Provence par les services du Roi Louis XIV. Autant le savoir, aujourd’hui, 95% des savons de Marseille sont des faux si l’on s’en tient à la recette ancestrale. Les manufactures qui maîtrisent encore l’art de la saponification se comptent sur les doigts d’une main. Elles sont quatre : le Sérail (objet du reportage), Marius Fabre, Le Fer à Cheval & la Savonnerie du midi sont les derniers à respecter le produit à la lettre.
C’est la manufacture du Sérail qui nous reçoit. Ici, les savonniers respectent scrupuleusement les cinq étapes fondamentales qui permettent de transformer l’huile d’olive et l’eau en ce savon aux 1000 vertus (documents du Sérail).

Le Sérail Marseille : fier d’être savonnier !
1. L’empâtage : L’huile d’olive et la soude sont portées à ébullition dans le chaudron. On remue la mixture à grandes brassées, à la rame presque. Dès cette étape commence la saponification et se forme alors progressivement une pâte de savon.
2. La cuisson : On ajoute de la soude en excès afin de saponifier les matières grasses qui n’auraient pas réagi au stade précédent. Ce mélange bout à 120°C pendant plusieurs heures.
3. Le relargage : Le savon étant insoluble dans l’eau salée, cette opération consiste à ajouter du sel marin afin d’entraîner la lessive de soude en excès au fond du chaudron, le savon restant au-dessus.
4. L’épinage : Le surplus de liquide est retiré par décantation.
5. La liquidation : Elle consiste à faire bouillir une dernière fois le savon à gros bouillon, en l’arrosant à l’eau pure. C’est là que tout le savoir faire du maître savonnier entre en jeu. Il vérifie, lors de cette étape, la consistance et l’homogénéité du savon. Le tout repose alors entre 18 heures et 48 heures pour donner un savon qualifié d’« extra-pur ».
La dernière étape est celle du moulage. Elle dure deux jours. Le savon passe dans des « boudineuses » en série dans lesquelles il est compressé pour devenir une pâte homogène. Il sort des boudineuses au travers d’une filière qui permet l’ébauche de sa forme : barres ou « bondons ». Le savon solidifié est découpé en cubes puis marqué sur ses six faces. Ces différentes opérations prennent environ une semaine. Chaque chaudron pouvant contenir huit tonnes de pâte à savon.
La Savonnerie « Le Serail » est la dernière savonnerie artisanale et traditionnelle de Marseille basée dans la cité Phocéenne.
Dans les années 1900, Marseille grande ville de la Provence voit ses savonneries – une centaine à l’époque – fermer les unes après les autres en raison de l’arrivée massive des lessives industrielles. Un homme, de retour de déportation en Allemagne, Vincent BOETTO, fit le pari de créer en 1949 la Savonnerie le Sérail, afin de perpétuer le savoir-faire et la tradition du véritable savon de Marseille. Il reprend alors une ferme située à l’intérieur de la ville, et y installe l’équipement nécessaire à la fabrication du cube de savon traditionnel de Marseille, et notamment les chaudrons dans lesquels est fabriquée la pâte à savon.
Aujourd’hui, c’est son fils, Daniel, fier de cet héritage, qui a repris les rênes de la savonnerie en 2009 et qui perpétue le savoir-faire laissé par son père. Ainsi, l’ensemble du matériel est d’époque, et a été conservé ainsi que toutes les étapes nécessaires à la fabrication du traditionnel savon de Marseille, ce qui lui a d’ailleurs permis d’obtenir le label « Entreprise du Patrimoine vivant » décerné par la ville de Marseille.
Le Sérail Marseille : le Site Web
Les Savonneries Bruxelloises
Le savoir-faire de la Savonnerie Bruxelloise est ailleurs. Ici, on se saponifie pas. La matière première est importée et retravaillée par les savonniers bruxellois qui produisent en grande partie à façon. Collectivités, grandes enseignes, hôtels, restaurants ? Vous voulez votre savon à votre effigie? Votre fragrance ? Vous êtes à la bonne adresse.

Les Savonneries Bruxelloises : fier d’être savonnier !
Depuis 3 générations, les Maîtres Savonniers se sont succédés au 27 de la rue Tollenaere à Bruxelles. Si les machines d’origine ont été renouvelées (elles auraient bientôt 100 ans et étaient pour la plupart tout à fait manuelles), il est étonnant de savoir que les savonniers utilisent un matériel relativement ancien des années 60 ou 70. Celui-ci est performant au point qu’ils ont renoncé à le renouveler il y a quelques années après avoir testé un nouvel équipement qui s’est révélé nettement moins adapté.
En 1923 la Savonnerie Karak fut construite à l’emplacement actuel de Savonneries Bruxelloises. Après moult péripéties la famille Nanson a repris la savonnerie Karak en 1936 et a fondé les Nouvelles Savonneries Bruxelloises. En 1993 après trois générations de Nanson, Vincent Laurencin a repris le flambeau des Savonneries Bruxelloises. Enfin, en 2000 François van de Velde s’est associé avec Vincent et depuis lors les grandes exportations ont fortement augmenté.
Le nom est resté, l’implantation n’a pas changé même si la savonnerie a grignoté légèrement sur le voisinage pour une extension nécessaire à l’entreposage des produits finis et des matières premières notamment. La savonnerie produit un savon à pâte dure pour des commanditaires répartis aux quatre coins de monde. Formes, couleurs, parfums, tout est possible ici, mais toujours avec un respect de la matière et du savoir-faire. Un savon haut de gamme garde une tenue dans le temps sans craquelures, sans modification de la structure, de la teinte ou même du parfum et surtout, il mousse abondamment. Les produits de la Savonnerie sont d’une grande homogénéité et d’une grande constance. Les teintes et parfums sont contrôlés d’une série à l’autre de manière à ce que le produit reste calibré dans les normes établies par le client. La salle forte qui contient les centaines de moules qui font la réputation et l’histoire de la maison depuis toutes ces années contient les gabarits des maisons et institutions les plus prestigieuses de la planète : hôtels, entreprises, compagnies aériennes, enseignes de luxe …
Ici, on malaxe, boudine, extrude, presse et coupe des morceaux de savon : c’est une des conditions indispensables à l’obtention d’un produit homogène en structure et en teinte. Le bondillon (matière première) est directement importé d’extrême orient pour bénéficier d’une base de toute première qualité.
Pas moins de 10 à 12 ingrédients peuvent entrer dans la recette d’un savon haut de gamme et c’est Claude, Maître Savonnier depuis 30 ans qui est à la manœuvre dans l’atelier avec son équipe d’une dizaine de personnes. De la poudre d’or a déjà été utilisée pour une édition très spéciale commandée par un client suisse mais généralement, on retrouve les grands classiques comme les parfums de fraise, de chocolat, et toute la palette des fragrances florales.
Depuis peu, la manufacture rompt un peu avec la tradition puisque les Savonneries Bruxelloises ont lancé leur propre marque en innovant encore avec des produits résolument haut de gamme et au packaging étudié et raffiné. Une dizaine de parfums sont disponibles : gingembre-citron vert, lavande, muguet-pivoine, rose noire, mangue-fleur d’olive, …. Il existe à ce jour une centaine de points de vente en Belgique et à l’étranger. Les Savonneries Bruxelloises sont devenues une marque de prestige encouragée jusqu’au Palais Royal puisque la manufacture est devenue Fournisseur Officiel de la Cour depuis peu, de quoi soutenir les exportations vers le Japon par exemple.
Les Savonneries Bruxelloises : le Site Web
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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